a chaud

“hoy por la ventana brilla el sol…”

Par Tess

 

L’autre jour, pour tenter de renouer avec mes racines hispaniques, j’ai décidé de regarder Cría Cuervos. A la fin de la projection, mon père m’a demandé avec hâte : “Alors, c’est comment ?” J’ai décidé de lui répondre : 

Cría cuervos c’est l’Espagne d’avant. Le film nous plonge dans le Madrid vert et ensoleillé d’une autre époque, où les élèves portent encore des uniformes pour aller à l’école. Un pays encore figé dans le franquisme, réduit à des rideaux de mauvais goût, se révèle au spectateur. Chaque prise témoigne de son époque : des repas traditionnels aux maris trop autoritaires et décorés de l’armée. Carlos Saura fait le portrait de son temps et y inclut même les tendances musicales : on retient tous après visionnage la mélodie iconique de Porque te vas, emblème parmi d’autres de l’Espagne des années 70. 

Cría cuervos c’est le féminin à l’écran. Au premier plan, trois jeunes actrices placées devant la caméra comme si de rien n’était, qui déploient pour le spectateur un jeu tendre et inconsciemment hésitant. Si les fillettes n’ont pas l’air très sûres de leur rôle, le récit ne devient que plus vrai. 

La femme a sa place dans chaque scène : ce film est à la fois la solidarité fraternelle, la solitude d’une grand mère d’une autre époque, le passage à l’action d’une amante vengeresse et la maladie. C’est la femme malade, comme son pays. Malade des hommes et de leur oppression qui dévore les entrailles, de leur soif de pouvoir et de contrôle. 

Face à cette âme perdue, c’est surtout le regard empreint d’un je ne sais quoi enfantin d’Ana Torrent qui reste en tête. Interprétant presque sans le savoir le rôle plus qu’intriguant d’une fillette marquée par la mort de sa mère. Elle réussit à semer le spectateur aussi bien que les adultes du long métrage. 

 

Enfin, Cría Cuervos c’est étrange. 

Le réalisateur Carlos Saura joue avec l’imaginaire comme il joue avec la mort. 

Le long métrage nous traîne dans un climat macabre du début à la fin, à l’aide d’habiles jeux de lumières. Entre les recoins sombres de l’appartement madrilène et la blancheur fantomatique des robes de chambre, on nous rappelle souvent que la mort n’est pas loin. 

Penser le monde pendant 2 heures à travers les yeux d’une enfant traumatisée, c’est devoir deviner si ce que l’on regarde ressort du rêve ou de la réalité et trouver ce qui est hors du cadre. 

Le monde de l’enfance et des adultes se mélangent et c’est un peu dérangeant : les filles arrivent si bien à imiter les disputes de leur parents et la petite Anna est prise d’une obsession morbide et n’hésite pas à s’emparer du pistolet chargé qui traîne.

 

Cría Cuervos, c’est donc une belle expérience de cinéma. Pas de répliques cultes, ni des frissons d’émotion mais une parenthèse singulière pour varier les plaisirs.