Le règne animal est un film qui vaut son rugissement médiatique. Thomas Cailley nous propose un conte moderne, à la fois spectaculaire et ancré dans le réel. 

 

On  ne peut que s’enthousiasmer de ce que le film parvient à échapper à la facilité d’une surcharge d’effets spéciaux pourtant permise par le budget de production (plus de trois fois supérieur à la moyenne des films français !). 

Au contraire, Thomas Cailley semble  décidé à nous faire un cadeau, nous proposant d’imaginer la métamorphose. Loin de la vogue du cyborg, on assiste à la transformation par l’animalité. 

Plusieurs années après “La Forme de l’Eau” (Guillermo del Toro, 2017) qui présentait la romance entre une créature aquatique et une employée de laboratoire, on se laisse volontiers émouvoir à nouveau par les questions très humaines (La différence, Les limites de l’amour) que soulèvent ces fantaisies. 

C’est encore une fois dans la fiction que le film touche à la dureté du réel.

 

Avec un travail photographique époustouflant, on se laisse emmener par un tandem d’acteurs flamboyant à travers des paysages luxuriants. 

Après Le Lycéen (Christophe Honoré) , Paul Kircher nous charme de son jeu à la sensibilité candide, dans l’interprétation brillante d’Emile, parvenant à conjuguer la fougue adolescente d’un trait de souffrance dont il a le secret. Définitivement doué pour la tourmente, on attend de voir l’aîné Kircher dans une plus grande polyvalence à l’avenir (qui s’annonce plutôt bien pour la fratrie, sur toutes les affiches ces temps-ci). Romain Duris est impeccable dans le rôle foudroyant du père, avec ses contradictions et ses fureurs face à l’éprouvante réalité qu’il ne laisse pas le dépasser. 

Jamais deux sans trois dit-on, Adèle Exarchopoulos complète habilement les deux rôles centraux de celui de la fliquette  dévouée et pas mal désespérée aussi.

 

Finalement, le schéma scénaristique relativement simple, -et parfois un peu téléphoné, j’avoue- laisse toute la place à la beauté des plans. Le réalisateur parvient ainsi à nous prendre de cours, alternant la brutalité d’une forêt broussailleuse et une course poursuite nocturne paysans versus mutants, avec des échassiers chasseurs de bestioles, sur fond de critique d’une ruralité réactionnaire fermée sur elle même, pour une séquence qui tient à la fois de Besson et des Dardennes, vraiment kiffant.